Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/71

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Il n’y avait autour de ce feu que le vieux Herpin, assis ou plutôt accroupi sur un tabouret — une chaise dont on avait coupé les pieds — lequel Herpin ressemblait, pour la gravité, à un vieux hibou qui rêvait, et, comme le hibou, clignait ses yeux ronds à cette vive lumière qui lui venait du feu.

Sa femme, la jupe relevée et nouée derrière elle, allait et venait et sabotait autour de sa marmite, qu’elle écumait de minute en minute et sous laquelle elle rapprochait les tisons croulés. À genoux dans un coin, une servante, au chignon défait et aux bras rouges comme de l’écarlate, frottait le cuivre d’une poêle à bouillie.

Une autre, plus jeune et moins robuste, coupait le pain de la soupe, au bord de la table. Les deux fils qu’on attendait pour la tremper étaient l’un à l’écurie, l’autre à l’étable. Un vieux scieur de long, qui s’appelait Giot, et le couvreur en paille Livois, connu comme Giot de toute la contrée, étaient assis, genou à genou, sur la bancelle de la table.

Ils dirent, à quelques jours de là, qu’ils furent les premiers à reconnaître Jean Sombreval quand il entra, car ils avaient joué bien des fois avec lui à la quillebote[1] dans leur jeu-

  1. C’est le jeu du bouchon, en patois normand.