Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/84

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De tous les hommes de ce pays, fermé si longtemps à l’esprit nouveau et qui avait encore l’arome des mœurs anciennes, comme le linge serré dans les armoires de ses ménagères garde la senteur des prairies où il a séché, l’inconnu, en effet, que le hasard et l’injure venaient de livrer au bras robuste de Sombreval et à la main bienfaisante de sa fille, était certainement celui-là qui devait le plus énergiquement résumer en sa personne l’horreur et les superstitions de la contrée.

Ni le petit Tizonnet, le notaire, ni Jacques Herpin, ni Giot, ni Livois, gens de mince état et, d’ailleurs, d’âme assez tranquille, ne pouvaient approcher en intensité de sensation de ce jeune homme absolu et fougueux. À celui-là, tous les préjugés, tous les sentiments, toutes les religions de la vie devaient s’insurger à la seule pensée des Sombreval. Ils devaient être réellement pour lui des démons — ou pis encore — des crachats de démon sous la forme humaine ! C’était un cousin des Du Quesnay et le fils d’un gentilhomme du pays qui, malgré la Révolution et la gloire de Bonaparte, alors au zénith de sa puissance, avait le plus opiniâtrement gardé les traditions de son berceau.

Il portait un nom aussi vieux que les marais du Cotentin. Il s’appelait Néel de Néhou. Les Néhou se vantaient de descendre du fameux