Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/88

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comme Bonaparte, qui savait le prix des anciennes familles, en adressait parfois à ces blancs-becs à aïeux, ne lui était pas décoché par ce grand Sagittaire, qui visait toujours à la place où fleurit l’honneur dans le cœur des hommes, Néel n’avait d’autre perspective qu’un mariage de convenance ou d’amour : mais le roman de cette tête ardente et martiale passait de bien haut par-dessus les bonheurs calmes du foyer.

Déjà son père avait pensé à lui choisir une femme parmi les châtelaines d’alentour. Elle était choisie. Mais lui voyait avec tristesse s’approcher le moment où il faudrait, en se mariant, renoncer formellement à cette vie des armes vers laquelle l’entraînaient inutilement tous ses instincts.

Avant le jour où il vit Calixte à la grille du Quesnay, les femmes ne l’avaient jamais préoccupé, même une heure, quoiqu’il eût le genre de beauté qu’elles adorent et qui dit bien qu’on est capable de toutes les folies qu’elles peuvent inspirer. Cette beauté rare était accompagnée d’un air étranger, — l’air de sa mère, — qui faisait rêver les jeunes filles du pays un peu davantage. Avec les femmes, ce qui vient de loin n’est-il pas toujours merveilleux ? Il était blond, comme toutes ces Normandes, mais il l’était d’une nuance plus