Aller au contenu

Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’entrer par les fenêtres restées ouvertes. Les tentures du salon, orangées un instant par le crépuscule, brunissaient… et bientôt elles disparurent, comme les lignes d’un dessin, sous le noir étendu de l’estompe. Ce soir-là, il n’y avait ni lune ni étoiles… Les visages seuls marquaient, de points blancs et vagues, les places du salon où ils se tenaient, mais où ils ne se voyaient plus…

Calixte en interrogeant Néel n’eût pas plus discerné sa physionomie que celle du prêtre, toujours immobile et debout contre le buffet d’ébène. Maladroits et vrais, ces deux hommes n’avaient pas la force de s’arracher à ce silence imprudent qui pesait sur leurs bouches et sur leurs cœurs et que Calixte aurait pu interpréter d’une manière blessante pour elle, si elle avait insisté…

Mais elle n’insista pas. Elle ne revint point à la question laissée par Néel sans réponse. L’adorable Sacrifiée, qu’elle était toujours, respecta ce silence qu’une autre femme aurait rompu. Elle ne pensa pas que sa maladie avait donc quelque chose de bien horrible ou de bien honteux, pour que Néel et l’abbé, — Néel surtout ! — les seuls amis qu’elle et son père eussent sur la terre — n’osassent pas lui parler de son mal et eussent l’air si accablé, quand elle revenait à la vie. Elle ne le pensa