Aller au contenu

Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’osant l’abattre où il faut qu’il coupe sans pitié !…

Hélas ! en lisant les lettres de Sombreval qui venaient chaque jour donner à Calixte des joies nouvelles et à son sentiment pour son père des exaltations inconnues, l’abbé Méautis put mesurer de quelle hauteur il allait précipiter la jeune fille au premier mot qu’elle comprendrait, et il fallait que ce mot fût cruellement clair pour qu’elle pût le comprendre, dans l’immense illusion que son père, à chaque instant, grandissait en elle. Pour cette fille d’affliction, c’était le premier bonheur qui tombait sur son cœur consolé, la première respiration du soulagement, sous l’oppression de toute sa vie !

Ce bonheur tardif, créé par Sombreval, au prix de son âme, bonheur élevé par lui dans l’âme de son enfant comme un palais enchanté, comme un château de cartes magiques dont chacune était un mensonge et qu’il fallait, d’un seul mot, renverser, effrayait le prêtre compatissant, qui trouvait peut-être que Dieu devait bien ici-bas un peu de bonheur à Calixte pour tout ce qu’elle avait souffert.

Quand elle le lui révélait et le lui livrait, ce bonheur, avec cette confiance qui désarme parfois l’assassin, il ne se sentait pas le courage d’être la faux qui couperait, dans le cœur de