Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/265

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tué toutes les énergies de son âme, il ne demandait plus qu’elle vécût toute une vie, mais seulement quelques heures encore. Ah ! la douleur nous rend modestes ! Elle brise jusqu’aux ambitions de nos désespoirs. Elle finit par nous faire petits de désir, lâches de mendicité avec Dieu. Où nous voulions fougueusement tout, nous ne demandons plus que presque rien… Et c’est inutile ! Dieu, qui a repris la vie, ne la rend point et passe sans nous écouter !

Quand Néel rentra dans l’appartement de la morte, il y trouva priant l’abbé Méautis, cet homme de prière éternelle ! L’abbé, qui avait la pudeur de la mort, avait rejeté le drap du lit sur la face de la trépassée. Mais Néel l’écarta par un mouvement brusque. Le prêtre, qui savait la passion humaine, crut que c’était l’amour, — l’amour toujours assoiffé de voir, — qui faisait lever à Néel le voile étendu, en attendant la pierre du sépulcre, sur cette forme destinée à la tombe, et il frissonna à l’idée de quelque profanation, à force d’amour !

Néel le devina. — Ce n’est pas ce que vous pensez, monsieur le curé, lui dit-il tristement et profondément, — mais il faut que je la voie encore…

Sa voix tremblait. Tout son corps tremblait. Il la regarda et sa main se crispa avant de