Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/33

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de moi, et ici, — sous ce toit, — nous sommes en sûreté. »

Et il approcha une chaise gothique à l’abbé Méautis, qui essuyait son front calme, mouillé de sueur, et qui s’assit en jetant autour de lui dans cet appartement le genre de regard qu’il aurait eu dans l’antichambre de l’enfer.

Et n’en avait-il pas un peu l’air, pour ce pauvre curé de campagne, qui, de sa vie, ne s’était vu dans un laboratoire de chimie ?… Ignorant de tout, excepté de la science divine qui lui servait à éclairer le cœur de l’homme, ce prêtre, élevé à la charrue, et qui n’avait appris au séminaire de Coutances que le latin et un peu de théologie, suivant l’usage d’alors, cet humble docteur qui aurait pu s’appeler le docteur Séraphique, aussi bien que celui qui, dans l’histoire de l’Esprit humain, porte ce doux nom, ne fut point sans étonnement et même sans je ne sais quel vague effroi, quand il se vit entouré, dans le cabinet de Sombreval, de toutes ces choses de formes bizarres, compliquées, presque monstrueuses pour qui n’en connaît pas l’usage, et qui sont les instruments du chimiste ou ses véhicules, dans ses mystérieuses et souvent terribles manipulations.

Les cornues, les alambics, les piles de Volta se dressant de tous les points de la chambre ;