Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/42

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lège ! Vous les avez senties jusque dans l’église où vous avez encore le courage d’accompagner votre enfant. Vous avez vu que là même, — dans la maison de Dieu, — si l’on ne se retirait pas de vous et d’elle, on avait, en vous entourant, l’attitude morne qu’on a autour des condamnés sur leur échafaud. Vous avez pris cela, vous, en homme fier et d’âme robuste, et votre enfant en âme dévouée qui se dit à chaque nouvelle angoisse : « Je suis l’expiation de mon père ! » et je comprends cela pour vous et pour elle. Ah ! elle ! Calixte a été ce qu’elle est toujours, et vous… ce que vous êtes aussi ! Mais, monsieur, l’horreur, qui ne faisait que vous maudire, s’est mise tout à coup à vous accuser. Elle vous accuse, mais elle ne vous accuse pas tout seul ! Vous pouvez mépriser assez les hommes pour ne pas craindre de vous voir traîner par eux sur la claie de l’ignominie, mais le déshonneur de votre fille, monsieur, êtes-vous de force à le supporter ?

Sombreval pâlit. Il avait présente à l’esprit l’injure de Julie la Gamase… Comme un martyr qu’on va frapper à la même place où il a déjà été frappé, il se roidit pour entendre une seconde fois… cette chose qui avait coûté la vie à celle qui l’avait prononcée et qui avait fait de lui, pas plus tard qu’hier, un meurtrier !

— Vous pâlissez, monsieur, reprit doucement