Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/70

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prudent et sensible, il ne voulait pas faire saigner cet amour qu’il voyait en Néel et causer, — en lui révélant ces abominations, qui probablement allaient cesser par le fait de la résolution et du départ de Sombreval, — une commotion terrible à cette tête capable de tout. « Les motifs du changement de Sombreval ne sont pas aussi religieux que le croient ces deux enfants, mais Dieu se sert de tout pour l’accomplissement de ses desseins sur une âme, » se disait-il, en quittant son compagnon de route, au tournant du chemin qui conduisait au presbytère.

Néel avait arrêté son cheval pour serrer la main au doux prêtre. Lui aussi, pendant leur causerie dans le chemin, gardait soigneusement sa pensée, — cette pensée que Calixte n’aurait plus besoin de se consacrer à Dieu, puisqu’il était fléchi et désarmé ! Ah ! se dit-il, quand il fut seul, — parlant peut-être pour se dilater le cœur, ce cœur qui étouffait ! — ma chère et divine thaumaturge, vous avez fait un premier miracle et vous en ferez un second. Ce sera de m’aimer !

Et sur cette idée d’être aimé, il tomba dans toute une rêverie, oubliant son cheval qui hennissait et mordait son mors, sentant l’écurie, — oubliant son père qui l’attendait là-bas, dans cette tourelle dont les fenêtres commen-