Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/9

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a pitié de la folie, mais elle lui tua bien son sourire :

— Et aussi, reprit-elle, de ces deux enfants qui sont là-bas sur la berge, et dont tu es l’assassin, Sombreval !

Ils y étaient en effet. Calixte et Néel venaient de s’asseoir sur le gazon en talus d’un de ces fossés qui ressemblent à des fortifications en Normandie, lassés tous deux d’une promenade que Sombreval leur avait conseillée. Ils étaient là, épaule contre épaule, et ils paraissaient, ce jour-là, plus que jamais le frère et la sœur.

Calixte était toujours la charmante Débile, épuisée, que l’effroyable chute de Néel et ses suites pleines d’émotions et de dangers avaient épuisée un peu plus, et Néel, qui était rentré dans la vie, il est vrai, s’y traînait, terriblement pâle et languissant encore de sa convalescence.

Échappé par miracle à la tragique mort d’Hippolyte, chantée par les poètes, ce jeune homme n’avait, le croira-t-on ? gardé de toutes ses blessures qu’une cicatrice visible et profonde au visage ; un sillon qui coupait en deux un de ses purs sourcils ; mais cette cicatrice, il ne l’eût pas donnée pour une couronne. Il s’en parait avec orgueil. Dans cet ardent besoin de s’identifier avec ce qu’on aime, qui est le caractère le plus impérieux de l’amour, il était heu-