Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/125

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on le dit du bonheur, il n’y a plus d’histoire possible, et où, ce qui est inénarrable, l’imagination est obligée de le deviner. Ce moment dans le malheur était arrivé pour Lasthénie. Elle était changée au point qu’on n’aurait pu la reconnaître ; — que ceux qui l’avaient trouvée charmante n’auraient pas pu dire que c’était là, il y avait si peu de temps, la jolie mademoiselle de Ferjol !

Elle faisait peur, cette suave Lasthénie, ce pur muguet, né dans l’ombre portée de ces montagnes et qui y tranchait par la blancheur de son éclat. Ce n’était plus la « pâle Rosalinde » de Shakespeare, avec cette pâleur qu’elle avait eue et qui est la beauté des âmes tendres. Elle n’était plus qu’une blême momie, — une momie étrange, qui pleurait toujours, et dont la chair, au lieu de se sécher comme celle des momies, s’amollissait, se macérait et se pourrissait dans les larmes. Elle traînait péniblement à présent sa taille appesantie, et souffrait horriblement de ce ventre qui grossissait toujours. Elle aurait voulu le cacher perpétuellement dans les plis