Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remède, de Lasthénie, qu’elle croyait toujours la proie d’un Démon, que de quitter ce pays qu’elle avait en horreur, ce cul-de-basse-fosse où depuis dix-neuf ans elle étouffait… Elle allait donc revoir son Cotentin et ses herbages ! Pour s’en aller, madame de Ferjol avait prétexté la santé de sa fille. Il était nécessaire de lui faire changer d’air. Elle avait naturellement choisi l’air du pays qui était le sien et où elle avait une grande fortune. Elle donna à Agathe toutes les raisons bêtes qui cachaient la vraie et spirituelle raison de son départ et que, ravie de son retour en Normandie, Agathe n’examina pas, ne discuta pas, mais accepta avec une indicible joie. Elle était folle de revenir au pays où elle était née ! Or, tout autant avec Agathe qu’avec personne, madame de Ferjol voulait garder le secret de sa fille, qui était le sien, puisqu’au regard de sa conscience la grossesse de Lasthénie la déshonorait presque autant qu’elle. Pour cela madame de Ferjol avait tourné et retourné sous toutes les faces la pensée de ce qu’elle pouvait faire dans la circonstance d’une grossesse, pour la cacher