Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/178

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lever de terre — de cette terre toujours un peu humide en ces parages de Normandie. Mais en avançant, elle vit nettement que ce qu’elle prenait pour du brouillard, c’était un cercueil placé en travers de la route et qui la barrait… Dans les traditions et dans les croyances anciennes du pays, ce cercueil mystérieux, sans personne auprès, et qui semblait abandonné, comme si les gens qui le portaient se fussent enfuis, était, quand on le rencontrait par les nuits claires, un signe certain de mort prochaine, et pour en conjurer le mauvais présage, il fallait, disait-on, avoir le courage de le soulever et de le retourner bout pour bout… D’aucuns, dans les récits qu’on avait faits autrefois à Agathe, méprisant cette apparence comme une illusion de leurs sens, avaient eu la témérité de passer outre, enjambant irrévérencieusement ce cercueil comme si c’était un échalier, mais au jour levant on les avait retrouvés sans connaissance à la même place, et toujours dans l’année, on les avait vus blêmir misérablement et mourir. De nature, Agathe était courageuse et trop religieuse pour