Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/18

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partout le long des montagnes, dans ce pays plein de soupirs, et qui ajoutait à la mélancolie de ses ombres la mélancolie de ses eaux !

Assurément l’éloquence de l’homme qui parlait à cette heure-là, dans cette église, tenait aux choses ambiantes que je viens de décrire, mais sait-on jamais bien où est l’éloquence ?… En l’écoutant, toutes les têtes étaient penchées sur les poitrines, toutes les oreilles étaient tendues vers cette voix qui planait, comme la foudre, sous ces voûtes émues… Deux de ces têtes seulement, au lieu d’être penchées, se relevaient un peu vers le prédicateur, perdu dans la pénombre, et faisaient d’incroyables efforts pour le voir… C’étaient les têtes de deux femmes, — la mère et la fille, — qui devaient avoir le prédicateur à collationner chez elles après le sermon, ce soir-là, et qui étaient curieuses de voir leur convive. Dans ce temps-là, si on se le rappelle, c’étaient toujours des religieux étrangers, appartenant à quelque Ordre lointain, qui prêchaient le Carême dans toutes les paroisses du royaume. Le peuple qui donne des noms à