Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/201

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marquise, faisait la licorne, et l’autre, à senestre, le marquis, faisait le lévrier ! Ce bourgeois de Paris, en villégiature à Saint-Sauveur, y venait promener tous les ans ses loisirs, car il avait les loisirs d’une fortune faite qu’il aurait volontiers défaite, pour le plaisir de la refaire. Il s’ennuyait. Il avait la nostalgie du commerçant qui a vendu son fonds, une maladie spéciale.

C’était en effet un ancien commerçant et, le croirait-on ? un épicier ! mais c’était de la haute épicerie. Il avait été l’épicier de Sa Majesté Napoléon, Empereur et Roi, dans les plus beaux temps de sa gloire, et sa boutique qui s’en est allée avec les autres maisons de la place du Carrousel, avait, dix ans, regardé, sans sourciller, en face, le palais des Tuileries qui, lui aussi, s’en est allé ! Cet impérial épicier, qui ne se serait certes pas donné pour le premier moutardier du Pape, et qui était assis et se prélassait et se gorgiassait à la table du comte du Lude, comme un Turcaret bon enfant, n’avait, du reste, ni le nom, ni le physique d’un épicier. Il se nommait d’un nom de général. Il s’appelait Bataille. La Provi-