Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/205

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ramener à sa femme, qu’il trouva sans connaissance dans les mains du docteur Dubois, lequel lui extrayait des seins les vitres brisées de sa boutique. C’était là même une de ses plus belles histoires ! Le pauvre paralysé, comme il s’appelait en riant, le pauvre explosionné avait mis ce jour-là, pour faire bonheur à son amphitryon, un habit bleu à boutons d’or qui moulait son torse d’Hercule, — avec la culotte de casimir blanc, les bas de soie à larges côtes et ces souliers fins à haut talon, aimés de l’Empereur et qu’il portait toujours quand il était débotté… Gilles Bataille, que les nobles de province qui le recevaient chez eux appelaient un peu trop familièrement « le père Bataille », car il n’avait rien d’un papa, reluisait d’une propreté anglaise qui sentait bon, comme le linge d’une femme. Il avait été blond, de ce blond qui rappelle l’origine scandinave de nous autres Normands, à ce qu’il paraissait, non plus à ses cheveux qui étaient blancs comme l’aile de l’albatros et qu’il portait très courts (à la mal content, comme on a dit depuis), mais au rose d’un teint qui n’était ni couperosé, ni fatigué, ni frelaté. Son