Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui l’entouraient. Ils l’écoutaient, — ils le regardaient, — et ils ne souriaient plus de cette belle tête dont ils enviaient peut-être la beauté, et de ces boucles d’oreilles que Gilles Bataille avait ridiculement gardées de sa jeunesse et qui les vengeaient de sa belle tête, en lui donnant l’air d’un vieux postillon.

— Mais, le lendemain, il fallut déchanter, messieurs, reprit Gilles Bataille. Vous comprenez tous, — n’est-ce pas ? — que je m’éveillai de bonne heure et que mon premier regard, quand je descalai dans ma boutique (Bataille constellait tout ce qu’il disait des anciens mots de son patois), fut pour cette diable de main. Je savais bien qu’elle était liée à répétition, et qu’elle n’avait pas pu bouger ; je l’avais cordée en conséquence ! Mais quel ne fut pas mon étonnement !… Au lieu de la trouver, comme je le croyais, gonflée, tuméfiée, violacée, presque noire par le fait de l’étranglement de cette rude corde dont je l’avais liée et que je lui avais fait entrer dans les chairs à force de la serrer, je la trouvai sans gonflement et pâle comme s’il n’y roulait pas une goutte de sang. Elle en semblait épui-