Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle qui n’ignorait rien des choses religieuses, elle savait que les Trappistes, qu’on enterre sans cercueil, la face découverte, restent exposés dans leur tombe, où tous les jours chacun des leurs vient jeter sa pelletée de terre jusqu’à ce qu’ils en aient cette suffisance de six pieds d’argile qui nous suffit à tous, hélas ! Eh bien, elle voulut voir encore une fois ce Riculf abhorré et repaître ses yeux du spectacle de son cadavre. La haine est comme l’amour. Elle veut voir… « Il n’y a pas se dit-elle si longtemps qu’il est mort. Les Bienheureux n’ont pas une figure comme les autres hommes. Quand on ouvre la terre ou le cercueil qui les renferme, on leur trouve des figures reposées et quelquefois rayonnantes qui disent qu’ils sont morts dans la bonne odeur du ciel. Je verrai donc si le scélérat, qui a fait peut-être dupe de son repentir l’abbé Augustin, comme il m’avait fait dupe de sa sainteté, a la face d’un Bienheureux. » Et, sans le dire à la vieille Agathe, elle s’en alla à Bricquebec un jour. Les femmes n’entrent jamais chez les Trappistes, sinon à certains jours de fête et dans leur église seu-