Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/44

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tait, en effet, madame de Ferjol qui avait, dans le sens le plus strict du mot, élevé Lasthénie. Elle lui avait appris tout ce qu’elle savait. Il est vrai que c’était peu de chose. Les filles nobles de ce temps-là avaient pour toute instruction de grands sentiments et de grandes manières, et elles s’en contentaient. Lorsqu’une fois elles étaient entrées dans le monde, elles y devinaient tout, sans avoir rien appris. À présent, on leur apprend tout, et elles ne devinent plus rien. On leur oblitère l’esprit avec toutes sortes de connaissances, et on les dispense ainsi d’avoir de la finesse, — cette gloire de nos mères ! Madame de Ferjol, certaine qu’en vivant auprès d’elle, sa fille aurait toujours bien les sentiments et les manières de sa race, tourna surtout sa jeune tête vers les choses de Dieu. Avec la tendresse innée de son âme, Lasthénie devint facilement pieuse. Elle chercha dans la prière l’expansion qu’elle n’avait pas avec sa mère, mais cette expansion devant les autels ne put lui faire oublier l’autre expansion qu’elle n’avait pas… La piété, en cette âme faible et tendre, n’eut jamais assez de ferveur pour lui donner