Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/49

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après la mort de son mari, mais elle aima mieux la garder et y habiter par respect pour les traditions de famille de ce mari bien-aimé et aussi parce que cette grande et hagarde maison grise avait pour elle, qui seule les voyait, des murs d’or, comme la Cité céleste, — d’indestructibles et flamboyants murs d’or bâtis dans un jour de bonheur par l’Amour ! Construit dans la pensée d’abriter de longues familles sur lesquelles nos pères avaient la fierté religieuse de compter, et pour des domestiques nombreux, ce grand logis, vidé par la mort, paraissait plus vaste encore depuis qu’il n’était habité que par deux femmes qui se perdaient dans son espace. Il était froid, sans aucune bonhomie, imposant, parce qu’il était spacieux, et que l’espace fait la majesté des maisons comme des paysages ; mais, tel qu’il était, ce logement, qu’on appelait dans le bourg l’Hôtel de Ferjol, impressionnait fortement l’imagination de tous ceux qui le visitaient, par ses hauts plafonds, ses corridors entrecoupés et son étrange escalier, raide comme l’escalier d’un clocher et d’une telle largeur que quatorze hommes à cheval y pou-