Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/85

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rejoignait d’autant plus aisément que, quand on s’était dit où l’on irait, il était facile de se voir, de loin, sur le penchant de ces monts qui faisaient amphithéâtre, — et même des fenêtres de la grande maison grise de madame de Ferjol, qui n’avaient pour perspective que ces montagnes s’élevant, escarpées et droites, à trois pas des yeux, comme un mur verdoyant d’espalier.

Un soir que Lasthénie y était, elle revint vite, fatiguée, languissante, toujours plus changée. Le mal intérieur s’aggravait. Elle était changée, non pas d’un changement appréciable seulement aux observateurs qui voient tout, mais d’un changement hagard et dur, visible à tout le monde. Avec Agathe qui lui demandait toujours infatigablement comment elle allait, elle ne niait plus son immense malaise. Seulement, elle ne s’expliquait pas sur ce qu’elle éprouvait. Elle se contentait de dire : « Je ne sais pas ce que j’ai, ma pauvre Agathe !… » Sa mère, qui ne voyait rien, perdue qu’elle était dans ses dévotions et le souvenir de son mari qui dévorait sa vie, commença d’entrevoir ce soir-là… Lasthénie,