Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/95

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de lui dire Agathe devait vivement l’impressionner. Ce n’est point elle qui aurait nié l’intervention physique et l’influence visible de Celui-là que les Saints Livres appellent le Mauvais Esprit. Elle y croyait. Et quoique sa raison fût très ferme, elle y croyait avec tranquillité, et doctrinalement, dans la mesure où l’Église, qui est la mère de toute prudence et l’ennemie de toute légèreté, autorise d’y croire. L’idée d’Agathe la saisit donc, mais avec moins de violence qu’elle n’eût saisi une imagination plus contemplative et plus exaltée que la sienne. Seulement, cette idée eut pour elle un éclair qu’elle n’avait pas eu pour Agathe. La femme qui avait aimé, l’être qui, depuis quinze ans, cherchait à se rasseoir et à s’éteindre, mais qui brûlait et fumait encore d’une passion inextinguible pour un homme, lui révélait tout bas de ces choses que la vieille candeur d’Agathe, qui avait toujours vécu le célibat du cœur et le mutisme des sens, ne pouvait pas lui révéler… Madame de Ferjol croyait, autant que la simple Agathe que le Démon avait à son service des incarnations terribles, mais elle savait par sa propre