Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’était pas une raison pour qu’elle ne l’aimât pas follement. C’était une raison, au contraire, pour qu’elle l’aimât avec frénésie ! Les femmes savent cela. La vie des passions le leur apprend, quand leur instinct de femme ne le devine pas. Que d’amours commencent par la crainte ou la haine, et l’horreur, c’est la combinaison de la crainte et de la haine, élevées à leur plus haute puissance, dans des âmes timides révoltées ! « Vous lui faites l’effet d’une araignée », disait un jour une mère à un homme qui aimait sa fille ! et, deux mois après cette dure et humiliante parole, la pauvre mère ne se doutait pas de la furie de bonheur coupable et caché avec laquelle sa fille se roulait dans les pattes velues de l’araignée, et lui donnait à sucer jusqu’à la dernière goutte vierge du sang de son cœur !… Lasthénie avait tremblé devant le froid et mystérieux capucin. Mais si une femme n’a pas tremblé devant un homme, jamais elle ne l’aimera. L’altière madame de Ferjol avait aussi peut-être tremblé devant l’irrésistible officier blanc qui l’avait enlevée comme Borée enleva Orithye. Pour avoir peur de ce qui menaçait sa fille, elle n’avait