Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/277

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théorie sur l’amitié, l’amitié que l’auteur met, de son autorité privée de moraliste, au-dessus de tous les sentiments de l’homme. Ce qui, par parenthèse, est faux. Le sentiment de l’amour religieux de Dieu est un sentiment humain aussi, et c’est là véritablement le plus beau, c’est le premier. Un prêtre d’ailleurs, et nous sommes heureux d’avoir à nous couvrir de l’autorité d’un prêtre, a répondu déjà à cette théorie du R. P. Lacordaire, inventée peut-être après coup, dans l’intérêt de son histoire, ou plutôt de son roman d’amitié.

Et j’ai dit le mot : Roman d’amitié, car il est impossible de voir là une histoire, et malgré le fil délié de ses analyses à la Sainte-Beuve, le Père Lacordaire n’est sûr de rien. L’histoire, la vraie et la seule histoire des relations de Notre-Seigneur et de sainte Madeleine, c’est l’Évangile, l’Évangile si sobre d’interprétation, si vivant de la seule vie du fait, l’Évangile dans lequel l’âme divine et humaine de N.-S. Jésus-Christ se montre également dans tous ces actes que les moralistes appellent sensibles, et sans qu’on puisse dire : Voici où l’homme finit et où le Dieu commence ! tant l’homme et Dieu sont sublimement consubstantiels ! En ne s’expliquant pas plus qu’il ne le fait sur les sentiments, purement humains, de Notre-Seigneur, l’Évangile, qui est la vérité, et qui devrait être la règle de ceux qui croient qu’il est la vérité, l’Évangile aurait dû arrêter le R. P. Lacordaire en ses curiosités psychiques, et l’empêcher d’aller perdre son regard en cette mystérieuse splendeur que l’Évangile a pu seul révéler dans la mesure où il fallait qu’elle fût révélée !