Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/331

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peu étendu de la circonférence de ses efforts ! Vous verrez qu’il n’y a pas pour l’homme de quoi prendre des airs si vainqueurs. Pénélope sans Ulysse, qui, dans l’oisiveté du cœur et de l’action, fait et défait éternellement sa tapisserie, la Philosophie n’a rien mis dans le monde qui n’y fût sans elle ; et si elle n’en a rien ôté des vérités qu’elle n’a pas faites, elle en a du moins beaucoup faussé, et son mérite, quand elle en eut, fut de redresser ses voies fausses et d’admettre enfin ce qu’elle avait d’abord repoussé. Voilà pourquoi les historiens qui s’occupent d’elle peuvent être à la fois humbles et concis.

M. de Beauverger a été concis, mais a-t-il été humble ?…. La Philosophie dont il s’occupe dans son livre n’est pas cette philosophie générale — qui a seule le droit de porter ce nom absolu de Philosophie — et qui a pour prétention de donner la loi de tous les phénomènes. C’est une philosophie spéciale et appliquée, et c’est une raison de plus pour l’historien d’être très-modeste, car, de toutes les tentatives de la philosophie pour résoudre l’universalité des problèmes, c’est la plus vaine et la plus cruellement traitée par les faits. L’Histoire l’atteste à toutes ses pages ; les faits ont toujours plus ou moins foulé aux pieds toutes les philosophies politiques. Modeste, sans doute, en son propre nom, M. de Beauverger croit trop à la philosophie, pour l’être quand il parle d’elle. Il a le respect de cette « science mixte (comme il dit, hélas !) qui rattache les créations et les devoirs de la politique aux opérations de la logique et des principes universels ; » mais plus tard peut-être aura-t-il le mépris de toute cette logomachie. M. de Beauverger nous