Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/330

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trop, fut à lord Byron ce qu’est un brillant aide de camp à son général ; mais M. Henri Mürger ne fut, par le talent, à Alfred de Musset que ce qu’un groom est à son maître. Il montait derrière le cabriolet d’Alfred de Musset et il en tombait quelquefois.

Et ce n’est pas tout. Voyez le malheur de l’imitation ! M. Henri Mürger imita de Musset dans ce qu’il a de moins pur et de moins élevé. On sait que le poète des Contes d’Espagne et d’Italie a écrit quelques-uns de ses plus beaux poèmes sous le nom de Nuits. M. Mürger a écrit ses poésies sous le nom de Nuits d’hiver, mais ce n’est pas un chétif rapport de titres qui me fait conclure à l’imitation, l’insupportable imitation, qui donne deux fois la même note, en l’affaiblissant ! C’est tout le volume dans chacun de ses détails et dans son inspiration générale et première.

C’est toujours en effet cette inspiration si usée déjà, qui raille, en pleurant, son objet, parce que son objet est méprisable. La place qu’occupe la fille en ces poésies tient autant, je le sais, à l’époque qu’au poète, mais qui ne s’élève pas au-dessus de son époque n’est jamais un poète qu’à moitié.

O cara mia, Ninette, Ninette !

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Que la volonté du Soigneur soit faite !

Et sur nos amours tirons le rideau !

Quand je serai loin, tu pourras, Minette,

Le relever sur un amour nouveau. Je n’ai plus le sou, ma chère, — et ton code

Dans un pareil cas, condamne à l’oubli,

Et sans pleurs, ainsi qu’une ancienne mode,

Tu vas m’oublier, n’est-ce pas, Nini ? …