Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/128

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allait s’opposer peut-être au passage des Sombreval, afin de prolonger leur supplice. Cette idée, qui fut une intuition, éleva en lui comme le cri de l’amour frappé, qui l’appelait, qui lui sonnait la fanfare suprême du cor de Roland à Roncevaux ! Chevaleresque et généreux comme il était, dans tous les cas, la pitié l’eût rangé du côté d’une femme insultée, mais il s’agissait de Calixte ! Il n’hésita pas. Il alla droit à Sombreval, dont les yeux disaient suffisamment la colère intérieure et l’angoisse, et, découvrant respectueusement sa tête blonde :

— Monsieur, dit-il, je les connais. Ils ne sont pas dix contre un ; ils sont deux cents, cinq cents, mille peut-être. Tout courageux que vous êtes, vous n’y pourriez rien, et il faut éviter à une femme des spectacles qui seraient indignes d’elle. Que mademoiselle votre fille quitte votre bras et prenne le mien, et je réponds qu’ils se tairont et nous livreront le passage. — Voulez-vous, ajouta-t-il en se tournant un peu vers Calixte, et la voix plus émue, me faire l’honneur d’accepter mon bras, mademoiselle ?

— Le voici, monsieur ! — dit Sombreval, qui passa lui-même le bras de Calixte sur le bras de Néel, et qui fut touché de l’accent et de l’air du jeune homme. Vous venez d’effacer la trace de votre injure de l’autre jour.