Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

La beauté pâle, transparente, émaciée de Calixte n’existait pas pour ces paysans grossiers, amoureux des chairs détrempées dans le vermillon de la vie, et pour qui, comme pour les Russes, le mot rouge efface et remplace le mot beau. Des hantises qui les étonnaient, les Herpin se turent assez longtemps, d’abord par peur de Sombreval qui avait sur eux barre de maître à fermier, ensuite par une espèce d’affection respectueuse pour Néel.

Mais un jour, la bonde enfoncée par la prudence par-dessus tous leurs étonnements partit avec celle d’un tonneau mis en perce dans un des cabarets du bourg de B…, et le mot qui fut dit alors et qui devait tinter un jour aux oreilles du vicomte Éphrem et réveiller, — disait Herpin, — le vieux chat qui dormait bien tranquillement derrière sa chatière de Néhou, commença de faire, à la manière de l’eau dans les sables, ses premiers tortillons dans le pays.

Ces premiers propos sur une chose jusque-là cachée, — car Julie la Gamase, sans doute par peur de perdre le morceau de pain qu’elle y trouvait chaque semaine, n’avait point parlé à Néhou de la rencontre qu’elle avait faite sur la butte du Mont-Saint-Jean un certain dimanche, et la grande Malgaigne avait l’âme trop haute pour se mêler aux commérages des