Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/264

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Néel écoutait presque avec transe. Les douleurs de ce père s’entrelaçaient aux siennes et doublaient l’intérêt des haletantes paroles qu’il s’en allait disant dans la nuit. Néel ne voyait pas la face de son compagnon, mais il sentait, à je ne sais quel tremblement dans la mâture de cet homme, que quelque chose de formidable secouait la robuste carcasse de cette espèce d’arbre humain qui cachait sous son tronc la tempête. Le pas pesant de Sombreval coupait en zigzags ces chemins creux. Il ressemblait à celui de Catilina quand il sort du sénat romain, dans Salluste, chancelant, égaré sous cet épouvantable coup de ceste, — la fameuse et dévisageante apostrophe du Consul.

— Vous vous trompez de chemin, monsieur, lui dit Néel. Ce n’est pas la route du Quesnay. Par là, nous retournerions chez la Malgaigne, d’où nous venons.

— C’est vrai, — dit Sombreval, rappelé à lui-même. Je connais pourtant tous ces chemins aussi bien que vous, monsieur de Néhou, car j’y ai traîné ma jaquette… Mais j’étais l’esclave d’une pensée plus forte que moi quand elle m’empoigne, et qui me fera trouver un jour brûlé vif et en cendres sur le brasier de mon fourneau.

Néel n’osa pas demander à ce malheureux, qui lui imposait par sa douleur comme par