Page:Barbey d’Aurevilly - À côté de la grande histoire, 1906.djvu/38

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nise, et le conseil des Dix s’y concentre dans un homme. Certes ! ce n’est pas nous qui jetterons la pierre au seul gouvernement qui convienne à la Russie actuelle, nous savons trop ce qu’il doit entrer nécessairement de despotisme dans l’éducation des peuples enfants ; nous voulons seulement constater, dans notre limite de critique littéraire, pourquoi il n’y a pas d’histoire en Russie. Il y a des actes publics, mais, qu’on y songe ! parce qu’on les rapporte dans un livre, on ne fait pas d’histoire pour cela. Beaumont-Vassy nous a raconté les faits politiques qui se sont produits en Russie, ou sous l’action de son cabinet en Europe, depuis trente-neuf ans[1] ; mais le premier journaliste venu en sait autant sur tous ces faits vus par l’écorce que Beaumont-Vassy lui-même, et vraiment était-ce bien la peine d’intituler fastueusement son ouvrage : De l’Empire russe depuis le Congrès de Vienne, si ce livre qu’on appelle ainsi n’a pas plus de profondeur et de consistance que la Gazette de Leipzig ou le Journal de Francfort ?

L’historiographie n’est pas de l’histoire. L’historiographie n’est qu’une chancellerie de plus à établir sous la main d’un gouvernement qui peut tout et pénètre partout, et surveillerait jusqu’à la chronique de Grégoire de Tours s’il pouvait y avoir un Grégoire de Tours dans les monastères de Moscou. Mais l’histoire,

  1. Ce chapitre date de 1854.