Page:Barbier - Iambes et Poèmes, 1841.djvu/177

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Danser d’un pied léger sur les nobles demeures ;
Venise était puissante, et les vagues alors
Comme au grand Salomon lui roulant des trésors,
Sous son manteau doré, sa pourpre orientale,
Le front tout parfumé de l’écume natale,
Elle voyait ses fils, épris de sa beauté,
Dans ses bras délicats mourir de volupté.

Mais le bonheur suprême en l’univers ne dure,
C’est une loi qu’il faut que toute chose endure,
Et l’on peut aux forêts comparer les cités,
En fait de changements et de caducités.
Comme le tronc noirci, comme la feuille morte,
Que l’hiver a frappés de son haleine forte,
Le peuple de Venise est tout dénaturé :
C’est un arbre abattu sur un sol délabré,
Et l’on sent, à le voir ainsi, que la misère
Est le seul vent qui souffle aujourd’hui sur sa terre.
Il n’est sous les manteaux que membres appauvris ;
La faim maigre apparaît sur tous les corps flétris ;