Page:Barbier - Satires et Chants, 1869.djvu/211

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Et toujours recouvert d’une poussière aride,
Lorsqu’au milieu du sien la ville d’à côté
Vous dresse un de ses fils en général sculpté,
Un brave qui servit quinze ans sous le grand homme
Et n’eut peut-être bien d’autre mérite en somme
Que celui de sabrer, front vulgaire et cœur chaud
Plus encore au butin qu’aux périls de l’assaut !
N’importe, on a son homme, et sans désavantage
On figure au livret du flâneur qui voyage ;
Et puis, dans les grands jours, c’est un thème tout fait
Pour les bredouillements d’un maire ou d’un préfet.

Vraiment, on ne sait pas dans combien de bévues
Peut tomber le pays par amour des statues.
Aux marmitons bientôt l’on en accordera ;
Comme la croix d’honneur, tout le monde en aura.
Mais, dit-on, le pouvoir est là pour mettre en bride
Les excentricités d’une mode stupide.
Le pouvoir ? Allons donc ! Il a dans ce moment
Autre chose à penser qu’à faire un règlement
Pour garder le pays d’une pente fatale,
Tenir en juste accord l’art avec la morale.
D’ailleurs ne vit-on pas en pleine liberté ?
Et pourvu qu’à l’État il ne soit rien quêté,
Chacun peut honorer qui lui plaît... ô Voltaire !
Si ton esprit encore habitait cette terre,
Comme il rirait de voir le bon peuple gaulois,
Jaloux de se pourtraire à l’exemple des rois !

Ô Welches ! dirais-tu, puisqu’aux races futures
Vous voulez sûrement transmettre vos figures,
Donnez-vous ce plaisir, allez même à Paros
Puiser l’élément pur d’où tant de fiers ciseaux
Tirèrent l’idéal de notre forme humaine
Et d’où sortit un jour la blanche Anadyomène.
Pour vous rien de trop beau, rien de trop précieux :
Posez-vous en guerriers, en prophètes, en dieux ;