Page:Barbier - Satires et Chants, 1869.djvu/236

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Pour y porter le trouble et l’empoisonnement.

Je voyais dans les yeux s’amasser la tempête,
Des cris, peut-être bien quelque verre à la tête ;
Redoutant pour lui-même une part des éclats,
Mon cousin tout penaud regardait dans les plats.
Pourtant, grâce à l’entrain de notre gros critique,
La chose prit un air moins lugubre et tragique.

« Monsieur en est encore au Dieu des bonnes gens,
C’est un peu vieux, dit-il, mais soyons indulgents :
Un jour, comme plus d’un il brisera l’idole
De son printemps ; pour nous, reprenant notre rôle,
À notre ami portons une santé d’honneur.
Au noble historien de la sainte douleur,
Au poëte inspiré de la grâce suprême
Qui, tous, nous doit sauver par un second baptême,
Gloire, hommage, succès ! » - Et levant dans les cieux
Son verre étincelant du jus délicieux,
Il le vide d’un trait ; ce magnifique exemple
Est soudain imité par les anges du temple,
Et la table bientôt n’est plus qu’un cliquetis
De verres ballottés, de vivats et de cris,
Parmi lesquels pourtant j’entends à mes oreilles
Tinter d’étranges mots et des phrases pareilles
À celles-ci : - « La ligue avait bien sa raison...
Vivent les fils d’Ignace et l’inquisition ! »
Connaissant trop l’effet de ma courte harangue,
Je n’étais plus d’humeur à jouer de la langue
Dans ce tohu-bohu, puis je ne voulais pas
Affliger le cousin d’un nouvel embarras ;
Je pris donc le parti de demeurer en place
Bouche close, écoutant d’un sang-froid tout de glace
Tomber le flot vineux des grotesques rumeurs
Qu’épanchait le gosier de ces gais festineurs.

Cependant je cherchais sourdement en moi-même