Page:Barbier - Satires et Chants, 1869.djvu/257

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souhaite
En ce monde. -pour moi, le reste ne vaut pas
L’effort d’un seul regard, la dépense d’un pas.

Arlequin.
Lorsque le vin est bon, la Pierrette charmante,
Ton système, mon cher, n’est pas à réformer ;
Mais le vin peut s’aigrir et ta gentille infante
Suivre un autre caprice et cesser de t’aimer :
Alors que feras-tu dans ta détresse amère ?

Pierrot.
Hélas ! Ce qu’à cette heure encore on me voit faire,
Regarder tristement la pointe de mes bas
En attendant l’objet aimé qui ne vient pas.

Arlequin.
Et si ta belle amie au bras d’un autre file
Et te laisse en un coin, seul, croquer le marmot,
Est-ce que tu serais, par Vénus ! Assez sot
Pour demeurer fidèle à cette âme mobile ?

Pierrot.
Mon cher, je ne peux pas changer de naturel.
La constance est mon lot sur ce globe mortel,
Et si Pierrette rit de ma tendresse extrême,
Je suis homme à l’aimer et l’adorer quand même.

Arlequin.
Bon courage, Pierrot, et surtout du bonheur !
Je te laisse en pâture à la mélancolie,
Broie à ton gré du noir, -j’estime trop la vie
Pour la couvrir jamais d’un voile de langueur.
Tu vois là-bas ce gros et grave personnage
Qui s’avance escorté de deux femmes aux bras,
Deux démons babillant et riant aux