Page:Barbier - Satires et Chants, 1869.djvu/268

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Mais on fait mieux encor : sur l’âme l’on opère,
Sur l’âme rayonnante en son étroite sphère ;
En un mot, on agit sur l’être en plein ressort :
Le vif est embaumé tout autant que le mort.

Vous vous moquez ! -moi ? Non. -vraiment ? -je vous le jure ;
J’observe, et dans le cœur de l’humaine nature
Je signale un esprit de ruse et de détour
Fort commun et déjà très-ancien, car du jour
Où la société s’aiguise et se raffine
Dans ses nombreux rapports, l’humanité décline
Les actes violents et voile de son mieux
Ses défaillances ou ses plans malicieux.
Voyez un peu l’ami dont l’affection baisse
Et qui veut déguiser son défaut de tendresse :
Il se montre, à l’endroit du cœur qu’il va quitter,
D’une sollicitude à l’impatienter.

Shakspeare l’avait dit, ce grand devin des âmes :
Lorsque de l’amitié les admirables flammes
Commencent à pâlir, elle redouble d’art
Et vous comble de soins, d’honnêteté, d’égard.

La simple bonne foi n’a jamais tant de zèle ;
On n’est point si poli tant que l’âme est fidèle ;
Trop de pas, trop de mots sont le signe certain
D’une amitié qui meurt et d’un cœur qui s’éteint.

De même pour l’amant à légère cervelle
Qu’un nouveau goût entraîne après quelque autre belle :
S’il n’est pas un brutal, un horrible goujat,
Il ne brisera point ses nœuds avec éclat ;
Mais, glissant plus de miel en sa fausse parole,
Jusqu’au dernier instant il soutiendra son rôle
D’amant passionné ; ce ne seront alors
Que chauds empressements, que sensibles transports,
Promesses de plaisirs, baisers, cajolerie,
Et même de cadeaux une abondante pluie ;