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Page:Barbier - Théâtre, 1745.pdf/104

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TRAGEDIE.

Sous ce même pouvoir qu’il a reçu de lui.

Sabine.

Hé ! qui peut donc cauſer l’ennui qui vous dévore ?
Votre pere vous aime, & Gracchus vous adore.
Tout conſpire à tarir la ſource de vos pleurs :
Vous ſeule voulez-vous vous former des malheurs ?

Licinie.

Je le vois bien, Sabine, il faut ne te rien taire ;
C’eſt Gracchus que je crains, Gracchus me deſeſpere.

Sabine.

Lui, Madame, auroit-il au mépris de ſa foi…

Licinie.

Non, ſon cœur juſqu’ici n’a brulé que pour moi :
Cependant c’eſt lui ſeul qui me force à me plaindre :
Tout fidelle qu’il eſt, c’eſt lui qu’il me faut craindre,
Tu ſçais bien que mon pere a droit d’être alarmé
Du vaſte embraſement dans ces lieux allumé.
Peut-il voir ſans horreur ces miſeres publiques ;
Sa famille arrachée à ſes Dieux domeſtiques,
Cherchant ſa ſureté dans ce ſacré Palais,
Qui fut à notre ſexe interdit pour jamais ;
Ce peuple qui ne ſuit que ſa fureux extrême ;
Rome prête à perir enfin par Rome même ?
A ce triſte ſpectacle il ſe laiſſe attendrir,
Et voyant tant de maux, il cherche à les guérir.
Il n’a pu me cacher de ſi juſtes alarmes,