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TRAGEDIE.
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Pour mon prochain bonheur tout semble conſpirer.
Je vois avec le mien mille coeurs ſoupirer,
Et Rome offre à mes yeux un hommage ſincère,
Lorſqu’elle adore en vous Germanicus mon frère.
Mais d’un deſtin ſi beau quelques mutins jaloux
Eloignent le moment qui doit m’unir à vous.
Deux d’entre eux arrêtés, par les ſoins de Narciſſe,
Découvriront leur Chef à l’aſpect du ſupplice.
Vous voyez qu’à ce ſoin je me dois tout entier.

Agrippine.

Le ſoin de votre amour n’eſt-il pas le premier,
Seigneur? Quelques mutins ſuſcitez par l’envie
Doivent-ils décider du bonheur de ma vie ?
N'avez-vous plus pour moi ces tendres ſentimens,
Qui répondoient ſi bien à mes empreſſemens?
Quoi! le moindre péril vous alarme, vous glace,
Et m’écarte du trône où votre amour me place ?
Ce n’eſt pas toutefois que ce rang glorieux
De l’éclat qui le fuit, éblouisse mes yeux,
La grandeur n’eſt ſouvent qu’un pompeux eſclavage:
Regner ſur un cœur tendre eſt un plus doux partage.
C’est le ſeul ou j’aſpire ; & vous ſçavez, Seigneur,
Que j’aime Claudius, & non pas l’Empereur.

Claudius.

J’aime ces ſentimens : mais permettez, Madame,
Que je puiſſe à mon tour répondre à votre flamme.
Un amour ſi parfait joint à tant de vertus
Merse l'Empereur, & non pas Claudius.