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TRAGEDIE.

Vous allez voir Cyrus. Si vous l’aimez, Madame,
Par des reproches vains n’accablez point ſon ame.
Il n’eſt que trop puni de vous manquer de foi ;
Il perd bien plus en vous qu’il ne retrouve en moi.
Sur-tout, gardez-vous bien d’ajouter à la plainte,
Le ſoin de rallumer une eſperance éteinte.
Je le connois, je ſçai qu’il eſt ambitieux,
Que la ſeule grandeur peut éblouir ſes yeux,
Et qu’il vous donneroit toute la préference,
Si mon Trône & le vôtre entroient en concurrence :
Mais ſongez qu’il perdroit & le vôtre & le mien,
Et que pour l’aggrandir vous ne pouvez plus rien.

Mandane.

Ah ! de grace, quittez ces injuſtes allarmes,
Madame. Hé penſez-vous qu’au défaut d’autres charmes,
Je daigne avoir recours à l’éclat des grandeurs,
Pour éblouir les yeux & captiver les cœurs ?
Cyrus, je le confeſſe, autrefois ſçut me plaire.
J’avois cru qu’il m’aimoit : cette erreur me fut chere ;
Mais mon cœur auſſi-tôt libre que détrompé,
Eſt enfin tout entier de ſa gloire occupé.
Oui, Madame, Cyrus peut croire que je l’aime.
Il faut de ſon erreur le détromper lui-même ;
Que ſur-tout par ma bouche il en ſoit éclairci ;
Et c’eſt dans ce deſſein que je l’attens ici.

Tomyris.

Ou je ſuis fort trompée, ou j’entrevoi, Madame,
A travers ce dépit quelque reſte de flâme :