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Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/7

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La chambre est usée ; il semble qu’on y soit déjà infiniment venu. Depuis la porte jusqu’à la fenêtre, le tapis laisse voir la corde : il a été piétiné, de jour en jour, par une foule. Les moulures sont, à hauteur des mains, déformées, creusées, tremblées, et le marbre de la cheminée s’est adouci aux angles. Au contact des hommes, les choses s’effacent, avec une lenteur désespérante.

Elles s’obscurcissent aussi. Peu à peu, le plafond s’est assombri comme un ciel d’orage. Sur les panneaux blanchâtres et le papier rose, les endroits les plus touchés sont devenus noirs : le battant de la porte, le tour de la serrure peinte du placard et, à droite de la fenêtre, le mur, à la place où l’on tire les cordons des rideaux. Toute une humanité est passée ici comme de la fumée. Il n’y a que la fenêtre qui soit blanche.

… Et moi ? Moi, je suis un homme comme les autres, de même que ce soir est un soir comme les autres.

Depuis ce matin, je voyage ; la hâte, les formalités, les bagages, le train, les souffles des diverses villes.

Un fauteuil est là ; j’y tombe ; tout devient plus tranquille et plus doux.

Ma venue définitive de province à Paris marque une grande phase dans ma vie. J’ai trouvé une