Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/17

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yeux, large comme la main, mais invisible d’en bas, à cause des moulures.

Je regarde… je vois… La chambre voisine s’offre à moi, toute nue.

Elle s’étend devant moi, cette chambre qui n’est pas à moi… La voix qui chantait s’en est allée ; ce départ a laissé la porte ouverte, presque encore remuante. Il n’y a dans la chambre qu’une bougie allumée qui tremble sur la cheminée.

Dans le lointain, la table semble une île. Les meubles bleuâtres, rougeâtres, m’apparaissent de vagues organes, obscurément vivants, disposés là.

Je contemple l’armoire, confuses lignes brillantes et dressées, les pieds dans l’ombre ; le plafond, le reflet du plafond dans la glace, et la fenêtre pâle qui est sur le ciel comme une figure.

Je suis rentré dans ma chambre, — comme si, en vérité, j’en étais sorti, — étonné d’abord, toutes les idées brouillées, jusqu’à oublier qui je suis.

Je m’assois sur mon lit, je réfléchis à la hâte, un peu tremblant, oppressé par l’avenir…

Je domine et je possède cette chambre… Mon regard y entre. J’y suis présent. Tous ceux qui y seront, y seront, sans le savoir, avec moi. Je les verrai, je les entendrai, j’assisterai pleinement à eux comme si la porte était ouverte !

Un instant après, dans un long frisson, j’ai haussé ma figure jusqu’au trou, et j’ai de nouveau regardé.