Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/172

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— Allons, allons ! fait tranquillement le nouveau venu.

On les a laissés seuls tous deux. L’homme s’est rassis avec une lenteur et une gaucherie ridicules. Le docteur se tient debout entre lui et moi. Il l’interroge :

— Eh bien, ce cœur ?

Par un instinct qui me parut tragique, ils ont baissé tous les deux le ton, et c’est à voix basse que le malade fait à son médecin quotidien l’aveu de sa journée de maladie.

L’homme de science écoute, interrompt, hoche la tête, approbatif. Il clôture cette confession en répétant, à voix haute maintenant, l’interjection banale et rassurante qu’il a déjà employée, avec le même geste large, stagnant :

— Allons, allons, je vois qu’il n’y a rien de nouveau…

Il s’est déplacé, et j’ai vu le patient : les traits tirés, les yeux hagards, tout secoué d’avoir parlé du lugubre mystère de son mal.

Il se calme, et cause avec le praticien, qui s’est carré, l’air bonhomme, dans une chaise. Il entame quelques sujets de conversation, puis il revient malgré lui, comme un maudit au mal, à cette chose sinistre qu’il porte : sa maladie.

— Quelle honte ! dit-il.

— Peuh ! fait le médecin, blasé.

Puis il se lève :

— Allons ! à demain.

— Oui, pour la consultation.

— C’est cela. Allons, au revoir !