Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/184

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avec soin, mais la figure sans expression, ayant son idée.

Le parleur s’arrêta un instant, puis il dit :

— Il faut regarder la vérité sans faiblir (nous sommes faits pour cela, nous ! ) et ne pas avoir peur d’ouvrir à la guérison de la tuberculose cette porte mystérieuse et terrible.

— Quoi qu’il en soit, dit le vieux médecin, cette ressemblance, ce rapport inverse que vous croyez découvrir entre les deux maux, sont annoncés jusqu’à un certain point par les chiffres. Il est manifeste que ces deux statistiques-là se tiennent, font corps ensemble. Il y a, à Paris, un cancéreux pour quatre tuberculeux. Quand, par semaine, il meurt dans la ville deux cent soixante tuberculeux, il meurt soixante-cinq cancéreux. En France, aux cent quatre-vingt mille décès provoqués chaque année par la tuberculose, correspondent les trente-six mille victimes de la cancérose : un sur cinq. Cinq cents Français meurent chaque jour de la tuberculose, cent meurent chaque jour du cancer.

— Combien en mourra-t-il demain ! dit le jeune homme qui leva ses yeux froids et lucides, en une consciente et vaine prière.

« Car nous n’avons soulevé qu’un coin du voile et avoué qu’une partie de la vérité… »

— Oui, fit le maître, elle est encore plus grande que cela.

« Les ravages du cancer, de jour en jour, augmentent. Sans aucun doute, la vie moderne multiplie les cas de réceptivité morbide spécialement favorables au mal.