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Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/187

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— Il est russe, grec ?

— Je ne sais pas. Moi, à force de regarder l’intérieur des hommes, je les vois tous tellement semblables !

— Ils sont semblables surtout, murmura l’autre, par leur odieuse prétention d’être dissemblables et ennemis !

Le parleur me sembla frémir comme si cette idée éveillait une passion en lui. Il se leva, plein de colère, changé.

— Ah ! dit-il, quelle honte que le spectacle que donne l’humanité !

« Elle s’acharne contre elle-même, malgré ces blessures affreuses qu’elle porte. Nous qui sommes penchés sur les plaies, nous sommes plus que d’autres frappés par tout le mal que se font volontairement les hommes. Je ne suis pas un politicien ni un militant, moi. Ce n’est pas mon métier de m’occuper des idées sociales ; j’ai bien assez à faire ailleurs ; mais j’ai parfois des mouvements de pitié grands comme des rêves. Je voudrais par moments punir les hommes, et je voudrais les supplier ! »

Le vieux médecin sourit mélancoliquement de cette véhémence, puis son sourire s’effaça, devant tant de claire et indéniable honte.

— Cela est vrai, hélas ! Si misérables, nous nous déchirons encore de nos propres mains ! La guerre, la guerre… Pour qui nous regardera de loin et pour qui nous regarde de haut, nous sommes des barbares et des fous.