Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/193

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grande pensée, il n’était déjà plus lui. J’en fus découragé.

— Mais, murmura l’autre, tout ce que vous venez de dire…

— Ce n’est pas la même chose. Les gens dont vous parlez nous ont jeté des défis. Ils se sont posés comme des ennemis et ont justifié d’avance tous les outrages.

— Ceux qui les outragent commettent le crime d’ignorance, dit le jeune homme d’une voix tremblante. Ils méconnaissent la logique supérieure des choses qui se créent.

Il se pencha tout près de son compagnon, et plus ferme, lui demanda :

— Comment ce qui commence ne serait-il pas révolutionnaire ? Ceux qui les premiers ont crié sont seuls, ils sont donc ou ignorés ou détestés, — vous venez de le dire ! — Mais la postérité recueillera cette avant-garde de sacrifiés, saluera ceux qui ont jeté le doute sur le mot équivoque de patrie, et les rapprochera des précurseurs auxquels nous avons nous-mêmes rendu justice !

— Jamais ! s’écria le vieil homme.

Il avait suivi ces dernières paroles d’un œil trouble. Son front s’était barré d’un pli d’entêtement et d’impatience, et ses mains se crispaient de haine.

Il se ressaisit : Non, ce n’était pas la même chose ; aussi bien, ces discussions ne servaient à