Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/213

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dans la nuit, semblait éclairée par le couchant.

Il avait fait un mouvement brusque. Il la regardait surpris. Pas un mot.

Elle ôta une épingle d’or qui fermait le haut de son corsage, et un peu de sa gorge apparut.

— Que faites-vous, Anna, que faites-vous ?

— Mais… je me déshabille…

Elle avait voulu dire cela d’un ton naturel ; elle n’avait pas pu. Il répondit par une interjection inarticulée, un cri de son cœur touché à vif… La stupéfaction, le regret désespéré, et aussi l’éblouissement d’un inconcevable espoir l’agitaient, l’oppressaient.

— Vous êtes mon mari…

— Ah ! dit-il, vous savez que je ne suis rien.

Il bégayait d’une voix faible et tragique des phrases hachées, des mots sans lien :

— … Mariés pour la forme… Je le savais, je le savais… formalité… nos conventions…

Elle s’était arrêtée. Sa main était posée demi-flottante vers son cou, comme une fleur au corsage.

Elle dit :

— Vous êtes mon mari, vous avez le droit de me voir.

Il ébaucha un geste… Elle reprit vite :

— Non… Non, ce n’est pas votre droit, c’est moi qui le veux.

Je commençais à comprendre à quel point elle essayait d’être bonne. Elle voulait donner à cet homme, au pauvre homme qui s’éteignait à ses pieds, une récompense digne d’elle. Elle voulait