Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/221

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ministère. Répondez-moi de la même façon simple — et vous vous entendrez avec Dieu, ajouta-t-il non sans bonhomie.

— C’est une jeune fille, fit le vieillard. Elle est fiancée. Je l’ai recueillie lorsqu’elle était tout enfant. Elle a partagé les fatigues de ma vie de voyages, m’a soigné. Je l’ai épousée avant de mourir, parce que je suis riche et qu’elle est pauvre.

— Pour cela seulement ? Il n’y a rien d’autre, rien ?

Il fixait la figure adverse avec attention, interrogateur, l’œil exigeant. Puis il dit « hein ? » en souriant avec sa bouche nue et en faisant un clignement d’yeux engageant, presque complice.

— Je l’aime, dit l’homme.

— Enfin, vous avouez ! s’écria le prêtre.

Il poursuivit, les yeux dans les yeux du moribond, le heurtant du souffle de ses paroles :

— Alors, vous avez désiré cette femme, la chair de cette femme, et commis en l’esprit, pendant longtemps, hein, oui, pendant longtemps, le péché ?…

« Dites-moi, pendant vos voyages communs, comment, dans les hôtels, vous arrangiez-vous pour les chambres, les lits ?

« Elle vous a soigné, dites-vous. Qu’avait-elle à faire pour cela ? »

Ces quelques questions par lesquelles l’homme sacré essayait d’entrer dans la misère de celui