Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/223

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pas mon affaire, rétorqua le prêtre. Dans quelles circonstances, exactement, vous êtes-vous laissé aller, en ce qui concerne cette personne, aux suggestions de l’esprit du mal ?

L’homme fut secoué d’un accès de révolte. Il se dressa à demi, s’accouda, fixant l’étranger qui le regardait, lui aussi, les yeux dans les yeux.

— Pourquoi ai-je en moi l’esprit du mal ? demanda-t-il.

— Tous les hommes l’ont en eux.

— Alors c’est Dieu qui le leur a donné, puisque c’est Dieu qui les a faits.

— Ah ! vous êtes un discuteur, vous ! À votre gré. Je répondrai. L’homme a à la fois l’esprit du bien et l’esprit du mal, c’est-à-dire la possibilité de faire l’un ou l’autre. S’il succombe au mal, il est maudit ; s’il en triomphe, il est récompensé. Pour être sauvé, il faut qu’il le mérite en luttant de toutes ses forces.

— Quelles forces ?

— La vertu, la foi.

— Et s’il n’a pas assez de vertu et de foi, est-ce sa faute ?

— Oui, car alors c’est qu’il a trop d’iniquité et d’aveuglement dans l’âme.

L’autre répéta :

— Qu’est-ce qui a déposé dans son âme sa dose de vertu et sa dose d’iniquité ?

— Dieu lui a donné la vertu, il lui a laissé aussi