Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle répéta, vagues syllabes qui m’atteignirent confusément sans que je pusse les unir en un mot, car il faut entendre très distinctement pour saisir un nom propre inconnu ; les autres parties d’une phrase se suppléent, s’évoquent, mais le nom est tout seul.

Et il répéta, la voix de souvenirs baissant comme le jour :

— Je vous le confie parce que vous êtes là. Si vous n’étiez pas là, je le confierais à n’importe qui, pourvu qu’il fût sauvé de moi.

Il ajouta, usant d’une voix mesurée et sans accent, pour qu’elle pût lui servir jusqu’à la fin :

— J’ai autre chose à avouer, une faute et un malheur…

— Vous n’avez pas avoué la faute au prêtre ? demanda-t-elle.

— Je ne lui ai presque rien dit, se contenta-t-il de répondre.

Et il reprit de sa grande voix si calme :

— J’avais fait des vers pendant nos fiançailles, des poèmes sur nous. Le manuscrit avait le même nom qu’elle. Nous lisions ensemble ces vers, et nous les aimions et admirions tous deux. « C’est beau, c’est beau ! » disait-elle en battant des mains, chaque fois que je lui avais fait connaître une nouvelle poésie ; et, quand nous étions ensemble, il y avait toujours à portée de notre main ce manus-