Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/261

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de travailleurs. Que dévorent-ils, ceux-là ? Tout ce qui reste, tout, jusqu’aux débris des insectes qui à l’état larvaire se sont succédé sur le cadavre. L’effaceur suprême est un petit coléoptère noir dont le nom scientifique est tenebrio obscurus.

Après lui, il ne reste plus rien que, malgré lui, quelques débris de débris autour des os blanchis, et une petite masse compacte au fond de la boîte crânienne. Cette sorte de terreau brun, granuleux, qui poudre la pierre humaine et qu’on croirait être le dernier résidu des chairs, n’est même pas cela. C’est l’accumulation des carapaces, des pupes, des chrysalides et des excréments des dernières générations d’insectes dévorateurs.

Trois ans se sont passés. Tout est fini. La créature qui a été adorée et a adoré est retournée tout entière en trois ans au règne minéral. La puanteur a disparu ; c’était la dernière marque de vie ; elle s’anéantit, hélas, et il n’y a même plus de deuil.

Et tous les habitants du monde auront passé par là dans quelques années. Depuis que je médite, un quart d’heure peut-être, un millier d’êtres humains sont morts sur la surface du monde.

Leurs corps, agglomérations de cellules, leurs cellules, agglomérations d’atomes (fragments indivisibles de la matière) — sont jetés à d’autres combinaisons. La cellule ! Cette unité organique a une dimension qui varie entre un millième et un dix-millième de millimètre. L’atome ! C’est un élément inconnu et supposé. Si on lui accorde une dimension à peu près conforme à la vraisemblance en se basant sur la petitesse des éléments