Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/267

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Instinctivement une intuition paisible, simple comme moi, rejette l’épouvante qui m’assaille, et je me dis que ce n’est pas possible, et qu’il y a une immense erreur partout.

Qu’est-ce qui m’a dicté ce que je viens de penser ? À quoi ai-je obéi ?

À une croyance qu’ont accumulée en moi le bon sens, la religion, la science…

Ce bon sens là, c’est la voix des sens, et une grosse voix trop proche ressasse que les choses sont telles que nous les voyons. Mais je sais bien, au fond, que cela n’est pas vrai. Il faut s’arracher tout d’abord à cette grossière écorce de la vie usuelle.

Les contradictions que comporte cette réalisation béate de l’apparence, les erreurs innombrables de nos sens, les créations fantaisistes du rêve, de la folie, ne nous permettent pas d’écouter ce piteux enseignement. Le bon sens est une bête probe mais aveugle. Il ne reconnaît pas la vérité, qui se dérobe aux premiers coups d’œil ; qui, selon la magnifique parole de l’ancien sage, « est dans un abîme ».

La science… Qu’est-ce que la science ? Pure, c’est une organisation de la raison par elle-même ; appliquée, c’est une organisation de l’apparence. La « vérité » scientifique est une négation presque intégrale du bon sens. Il n’y a guère de détails de l’apparence qui ne soient contredits par l’affirmation